tante jeanne et moi : alaska etc.
Souvenir quand tu nous tiens : Tante Jeanne et moi 2
Quatre années avant le décès de tante Jeanne je suis retournée en Alaska afin de lui tenir compagnie comme je le faisais souvent. Malgré ses 88 ans elle était encore très dynamique et désirais que je l’accompagne dans ses divers déplacements. Sachez qu’elle aussi était peintre. Oh ! Elle n’avait de loin pas le talent de son époux mais se débrouillait bien pour vivre de son art. Bien qu’il faille admettre que c’était surtout son statut de veuve de l’illustre homme qui lui amenait les acheteurs devenus au fil du temps plus amis protecteurs que clients. Un jour de juillet 1976 nous avons été invitées par la direction de l’hôpital d’Anchorage qui désirait faire paraître un article dans le Times. C’est ainsi que cette photo sur laquelle je suis avec tante Jeanne et la mère supérieure a paru dans l’Anchorage Times sous le titre : Célébrités à l’hôpital.
Souvenir quand tu nous tiens : Tante Jeanne et moi 1
Au début des années 2000 j'ai publié mes aventures survenues grâce à tante Jeanne. Aujourd'hui le republie ces merveilleux moments.
La sœur de ma grand-mère est partie pour les Amériques après la première guerre mondiale. Elle y a fait la connaissance de Sydney Laurence artiste peintre. Tante Jeanne, née Kunath, et Sydney se sont mariés le 8 mai 1928 en Californie, juste avant de partir pour l’Alaska. Sydney y avait séjourné souvent, il faisait partie des notables du coin. Leur arrivée fut attendu avec ferveur et enthousiasme. L’aventure de tante Jeanne et de Sydney a été relaté dans un feuilleton télévisé diffusé aux USA. Loin de moi l’idée d’en faire autant…D’ailleurs mon grand-oncle est mort juste avant ma naissance. Toutefois j’ai vécu un laps de temps avec tante Jeanne qui avait vingt ans de moins que son époux et qui lui a survécu pendant 40 ans. Elle est morte en 1980, elle avait 93 ans. C’est grâce à elle que j’ai connu ce merveilleux pays.
Photo du mariage
Sydney Laurence : Campement Athapaskan à Valdez (1914)
Souvenir quand tu nous tiens : Tante Jeanne et moi 11
Tante Jeanne avec son livre sur les fleurs de l'Alaska
Tante Jeanne s’est spécialisés dans la peinture des fleurs sauvages. Elle peignait les fleurs trouvées en Alaska, tandis que son mari s’adonnait à la peinture des paysages et à la photographie. Son but était de faire paraître un livre sur toutes les plantes à fleurs qu’elle avait observées et mises sur papier. Alors que j’étais chez elle en 1967, elle a été contactée par une maison d’édition qui était intéressée par ce projet. L’éditeur allait imprimer le livre à condition que tante Jeanne relate sa vie avec son époux Sydney Mortimer Laurence. Jeanne n’étant pas douée pour la prose on m’a demandé d’être son nègre. C’est à dire mettre sur papier ce que Jeanne me conterait. A l’époque mes faibles connaissances en anglais m’ont fait renoncer. Malgré mon refus, An Album of Alaskan Wildflowers ( un album des fleurs sauvages d’Alaska) allait paraître sept ans plus tard.
Tante Jeanne et moi 30 : au pays de Kobuck
Assister aux Olympiades Esquimaux a été une grande joie pour moi.
Mais le meilleur était encore à venir. Jérôme, un passionné de culture ancestrale m’invita à passer une journée avec lui afin de me plonger davantage dans les us et coutumes des
peuples du Nord. Depuis des années il collectionnait tout ce qui concernait ces peuples. Son but
faire un musée sur la culture esquimau.
Parmi tous ses trésors il y avait évidemment des vêtements et les ustensiles nécessaires à la vie quotidienne, mais
aussi des tableaux, des sculptures et objets divers réalisés par des artistes indigènes.
De cette journée riche en instructions passionnantes j’ai rapporté ces quelques photos. Pas évident, en plein mois d’août de porter parka et bottes de fourrure. Mais
quels beaux souvenirs du pays de Kobuck.
Tante Jeanne et moi 29 : Olympiades Esquimaux
Après les festivités du centenaire j’ai pu assister aux Olympiades Esquimaux. Celles-ci eurent lieu à Fairbanks durant le mois d’août 1967. Rien à voir avec les jeux de la vieille Europe. C’était plutôt une façon de montrer son savoir-faire. C’était à celui (celle) qui serait le (la) plus habile, le (la) plus rapide dans les diverses épreuves comme : le dépeçage d’un phoque avec l’outil traditionnel, l’allumage d’une lampe, jouer du tambour etc.
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Les jeux étaient ouverts à toutes les tribus d’Alaska, du Canada et du Groenland. Spectatrice j’avais comme voisin un jeune esquimau qui me fit la bise à la manière esquimaude et qui voulait que je fasse de même à la manière française. Il a frotté son nez contre le mien, je lui ai fait une bise sur la joue.
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Au fait, la première fois que j’ai vu des dames esquimaux se faire la bise, j’ai trouvé ça assez drôle. C’était à l’aéroport. Imaginez des personnes âgées portant lunettes à strass, comme c’était la mode à l’époque, se frotter nez contre nez.
Tante Jeanne et moi 28
Durant le mois de juillet 1967, dans toutes les villes d’Alaska, on fêtait le centième anniversaire de l’achat du pays, qui en un premier temps, est devenu un territoire, et
finalement le 49ème état des U.S.A. Au cours de ces festivités j’ai rencontré de nombreuses tribus indiennes. Comme tante Jeanne faisait partie des pionniers, elle était invitée aux
diverses manifestations. Moi également en tant que nièce, mais aussi comme Française.
Pensez donc, c’était rare à l’époque de rencontrer une étrangère venue de si loin. Tout le monde, malgré la curiosité que je suscitais, était très aimable et voulait
m’initier aux coutumes ancestrales. On m’avait donné un nom : Old Sauer Do. Ne me demandez pas ce que cela veut dire, d’autant plus que je n’ai jamais su comment l’orthographier.
Tante Jeanne ne me l’a jamais dit, si ce n’est pour dire : « maintenant tu fais partie des natifs Alaskans. »
Tante Jeanne et moi 27
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Le 23 juillet 1967, Jerôme Lardy, un ami de tante Jeanne, m’a accompagnée au Parc du Centenaire. Situé au bord de Nenana River tout un village de jadis était reconstitué. Rien ne manquait ni les habitants vêtus comme au temps des pionniers, ni les commerces, pas même les bagarres entre chercheurs d’or. Dans chaque maison on remontait le temps. Partout des anecdotes sur l’histoire du pays. Des tableaux illustraient le vécu des premiers américains venus après l’achat du pays.
J’ai reçu une copie de l’acte de vente : les Russes ont cédé le pays pour
7 200 00 dollars.
Une broutille comparée aux 15 millions dépensés pour l’hôpital de Fairbanks, qui venait d’être construit.
Tante Jeanne et moi 26 : Eklutna
Un jour de juillet 1967, J.Helen Brown, une amie de tante Jeanne, vint nous trouver en disant : « Demain je t’emmène faire un pique-nique, il faut que tu sortes de
l’entourage de ces vieilles ». Elle parlait de tante Jeanne et de Clara qui n’étaient pas plus âgées qu’elle, voire même plus jeunes. Le lendemain, vêtue d’un pantalon orange, d’une chemise rose
et d’un chapeau jaune elle me chercha au volant de sa décapotable rouge. Elle avait fière allure et malgré ses 75 ans bien sonnés elle n’était pas "vieille". En chemin vers le lieu du pique-nique
elle s’arrêta à Eklutna pour me monter le cimetière des indiens Athapaskans. Ce lieu était étrange. Plusieurs tombes très anciennes étaient entourées d’une barrière de protection. L’église
d’origine consacrée au culte orthodoxe tombait en ruines et une toute nouvelle lui faisait face. En ce lieu les indiens mélangeaient les croyances des ancêtres et celles inculquées par les popes.
Une toute nouvelle tombe laissait paraître ces croyances : une maison pour la vie au delà , une couverture pour se protéger du froid et de la nourriture pour manquer de rien, enfin la croix
orthodoxe.
Tante Jeanne et moi 25
Dès mon arrivée chez Clara celle-ci voulut brûler tous mes vêtements qui sentaient très mauvais bien qu’ils n’aient jamais touchés l’eau. Je pus les sauver en les lavant et en les suspendant dans le jardin. L’eau savonneuse et le vent les libérèrent des relents nauséabonds. Qu’en à moi j’allais porter main-forte à l’Armée du Salut qui cherchait des volontaires pour emballer vivres et objets de premières nécessité destinés aux sinistrés de l’inondation. Durant 10 jours je suis allée au siège de l’Association à Anchorage jusqu’au jour où je reçus une lettre de tante Jeanne qui demandait que je la rejoigne à Fairbanks.
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Dans la rue, en face du bureau de l'assureur |
Chena River était retournée dans son lit et les rues étaient presque à sec. Jeanne avait besoin de moi pour rentrer à Anchorage et surtout pour rendre visite à l’assureur. Souvenez-vous de la discussion que j’ai eu avec elle au sujet de l'assurance (Clic) de la Chevrolet. Aujourd’hui elle était contente car l’assurance reprenait la voiture et payait, à 50$ près, la somme que tante Jeanne avait dépensé pour l’acheter. Tout ceci grâce à mon entêtement. Tante Jeanne me remercia en m’offrant un charm-bracelet en or. Y sont accrochés une douzaine de breloques : un orignal, un caribou, une croix, la carte de l’Alaska, des pépites d’or etc.
Un quartier de Fairbanks le 26 août 1967
Tante Jeanne et moi 24
On arriva à l’aéroport sain et sauf. C’est quand j’ai
signé les papiers que je me suis rendue compte de l’état dans lequel j’étais : impossible d’écrire sans trembler. Dans l’avion pour Anchorage j’ai sympathisé avec mes voisins, un couple venu
du Texas, à qui j’ai remis une lettre pour mes parents les priant de la poster lorsqu’ils seraient hors pays. Ce geste allait réconforter ma famille plus que je ne l’imaginais. À Anchorage une
foule nous attendait, le service d’ordre partagea les arrivants en deux : les touristes et les Alaskans. Je voulus me mettre avec les touristes,
mais comme j’étais connue en tant que nièce de tante Jeanne on me mit dans la file des habitants du pays mettant sur le compte de l’émotion mon désir de me mettre avec les touristes. D’autant
plus que Clara, l’amie de tante Jeanne, m’attendait. Le lendemain mon nom parut dans l’Anchorage Time sous la liste des victimes de l’inondation. Ce que j’ignorais c’est que cette catastrophe
faisait la une des journaux dans le monde entier, car le territoire couvert par les eaux était immense. Mes parents étaient abonnés à France-Soir. Père cacha le journal à mère pour ne pas
l’affoler. Mes grands-parents, en vacances en Suisse, téléphonèrent pour avoir des nouvelles. Eux aussi étaient au courant. Père fut convoqué à la Préfecture, où on lui annonça ma disparition. En
effet tous les touristes avaient été évacués tandis que mon nom apparaissait sur la liste des victimes faite par la croix rouge. Les autorités françaises en conclurent que j’étais morte.
Heureusement que la lettre expédiée du Texas arriva le même jour.